ZOOM SUR : Les époux Arnolfini de Jan Van Eyck

Publié le 18 Octobre 2018
ZOOM SUR : Les époux Arnolfini de Jan Van Eyck

Comme à la rédac’ on est un peu fleur bleue, on a décidé de vous parler d’une œuvre qui respire (à peu près) l’amour et l’eau fraîche. Vous connaissez tous cette œuvre puisqu’elle a été reprise et parodiée dans la Pop Culture à maintes reprises ! Alors on prend la loupe, on enfile notre parka de détective et on part en Flandres, nous sommes conviés chez les époux Arnolfini !

 

Jan Van Eyck, Les époux Arnolfini, 1434

 

Jan Van Eyck est un peintre flamand, qui évolue à Bruges principalement. Grâce à sa proximité avec le duc de Bourgogne Philippe le Bon, il se fait très vite un nom et sa peinture sera très demandée. Il fait évoluer la technique picturale avec l’utilisation de la peinture à l’huile qui permet une précision dans les détails assez impressionnante, que l’on retrouve parfaitement dans l’œuvre des Epoux Arnolfini .

 

1. Les personnages

Dans cette œuvre, Van Eyck représente un couple dans la chambre nuptiale. Ce genre de scènes profanes et privées apparaît à l’époque de Van Eyck, délaissant peu à peu les scènes plus religieuses. Si les deux personnages sont aujourd’hui présentés comme étant les époux Arnolfini, leur identité est en réalité sujette à controverse. Dans l’Inventaire des Avoirs de Marguerite de 1516, le tableau est décrit comme présentant « Hernoul-le-Fin avec sa femme ». A l’époque, le terme « Hernoul » voulait tout simplement dire « le cocu ». (Comme vous pouvez le voir, les gens de l’époque avaient beaucoup d’humour !). Ce personnage était souvent présent dans les farces populaires de l’époque.

L’évocation des Arnolfini n’apparaît véritablement qu’autour de 1857, lorsque des historiens de l’art établissent qu’Hernoul-le-Fin serait le patronyme d’Arnolfini. Van Eyck aurait donc représenté Giovanni di Nicolao Arnolfini, un riche marchand de soie et sa femme.

D’autres historiens de l’art estiment qu’en réalité, Van Eyck s’est représenté avec sa femme. Cette hypothèse est née d’analyses de ses autoportraits et des portraits de sa femme où des ressemblances physiques sont incontestables.

 

Jan Van Eyck, L’homme au turban rouge, 1434 – Autoportrait de l’artiste

 

Jan Van Eyck, Portrait de Margareta (femme de l’artiste), 1439

On vous laisse juger par vous-même !

 

2. Le miroir au fond du tableau

 

Sur le mur du fond, un magnifique miroir convexe est accroché. Au-delà de l’aspect purement esthétique, ce miroir se présente comme l’élément principal du tableau, et on vous explique pourquoi !  Il est temps de sortir la loupe ; Si l’on regarde bien, le miroir est une œuvre dans l’œuvre. Il nous permet de voir « l’envers du décor ». On y voit les époux de dos, et deux autres personnes, vêtues de bleu et de rouge, qui font face au couple. Beaucoup d’hypothèses sur l’identité de ces deux personnes sont évoquées : un prêtre et son assistant, Van Eyck lui-même et son frêre Hubert, les témoins du mariage, des parents des époux etc.

Le miroir, élément important dans la peinture flamande permet aux artistes d’exprimer leur talent, en travaillant par exemple sur la mise en abime, sur la lumière, sur la minutie des détails, sur la perspective. Dans cet espace minime, l’artiste reproduit l’entièreté de la scène, du sol au plafond, confirmant sa place de peintre de génie.

MAIS, Van Eyck n’a pas échappé à notre œil avisé de détective et quelques différences apparaissent. Avez-vous remarqué que le chien a disparu dans le miroir ? Et puis, notre joli petit couple ne se tient plus la main ! Alors, simple erreur de l’artiste (t’en fais pas Jan, on te pardonne) ou message caché, le mystère reste encore entier.

 

3. « Johannes de Eyck fut hic, 1434 »

 

Juste au-dessus du miroir figure une inscription. C’est en fait la signature de l’artiste qui signale sa présence ; « Jan Van Eyck fût ici, 1434 ». Outre le fait que cette inscription nous a permis de dater l’œuvre, elle est aussi signe de nouveauté dans la peinture de l’époque. Les artistes ne signaient habituellement pas leurs œuvres, surtout lorsqu’il s’agissait de peintures religieuses. Ici, le rôle et le talent du peintre est considéré grâce à la signature. Mais signer son œuvre de cette manière n’était tout de même pas courant (espérons pour le couple que l’artiste n’a pas écrit au feutre indélébile…). Habituellement, les peintres signaient plutôt pinxit afin de dire « Untel a peint ceci ». Ici, Van Eyck atteste sa présence à l’événement, et ajoute au mystère des personnages, puisque cela peut être pris comme un indice sur l’hypothèse qu’il soit le marié ou un simple témoin.

 

4. Enceinte ou pas enceinte ?

 

Si, à première vue, la femme de la peinture paraît enceinte, prête à accoucher d’ici peu, en réalité rien n’est moins sûr. Encore une fois, plusieurs hypothèses se confrontent. L’idée d’une scène de mariage dans la chambre nuptiale accentue le fait que la jeune femme puisse être enceinte. Le vert de sa robe accentue aussi l’idée de fécondité. Seulement, si l’on regarde d’autres peintures de la même époque, on se rend compte que beaucoup de femmes sont représentées ventre arrondi, peut-être par le modèle de leur robe. Si l’on regarde bien, elle ramène la traîne de sa robe sur son ventre, créant cet effet bouffant. Le mystère reste une fois encore entier, et puis, peut-être a-t-elle simplement le ventre gonflé par le stress ou par un repas trop copieux, qui sait.

 

5. Panne de courant ?

 

Grâce à notre loupe dernier cri, on a pu remarquer que le lustre n’était composé que d’une seule bougie. Alors, y avait-il une rupture de stock de bougie où le mariage était si coûteux qu’il n’ont pu s’offrir qu’une seule bougie ? Rien de tout ça, vous vous en doutez !

 

En réalité, cette bougie a une valeur symbolique.  Selon les études menées sur l’œuvre, la femme d’Arnolfini était décédée en  1434. Beaucoup voient en sa présence une image symbolique. Beaucoup d’éléments peuvent venir confirmer cette idée. La bougie allumée est du côté de l’homme, pouvant laisser penser que le manque de lumière du côté de la femme représente le manque de vie de cette dernière.

 

 

Tout cela est accentué par les motifs autour du miroir. On peut y voir 12 scènes de la vie du Christ. Toutes les scènes du côté de l’homme sont des scènes où le Christ est vivant, tandis que les scènes du côté de la femme sont les scènes où le Christ est mort. Le miroir étant le miroir de la vie, de la réalité, le fait que le couple ne se tienne pas la main peut aussi montrer la séparation par la mort de la jeune femme.

 

6. Le confort made in 1434

 

Pour finir autour de l’histoire de ce tableau, on ne pouvait pas passer à côté des socques en bois (ancêtre de nos chères pantoufles). On plaint leurs pieds puisqu’elles n’ont pas l’air très agréables. Avec ça, on aime encore plus nos pantoufles pilou-pilou !